I - MON POINT DE VUE VIS-A-VIS DE L'HOMME MUSULMAN
II - MON POINT DE VUE SUR L'ISLAM
III - MON POINT DE VUE SUR LE CORAN
IV - MON POINT DE VUE SUR LE PROPHETE MUHAMMAD
Un point de vue personnel sur l'Islam est un sujet délicat pour les raisons suivantes:
Parce qu'il touche les musulmans dans la profondeur de leur croyance, de leurs convictions, de leur destin, de leur relation avec Dieu et de toutes les valeurs.
Parce qu'il n'existe pas d'attitude chrétienne unanimement convenue vis-à-vis de l'Islam.
Parce que soumettre l'Islam à la recherche scientifique, ne pourrait pas se passer sans toucher aux musulmans dans leur foi, leur dignité et leur liberté de croyance.
Parce que la motivation dans cette recherche est une responsabilité personnelle; je porte seul cette responsabilité et par conséquent il n'existe pas de communauté intellectuelle ou ecclésiale qui porte la responsabilité de ce que je dis.
Je suis parfaitement conscient et convaincu qu'il n'y a aucune crainte sur Dieu dans les conclusions que je tirerai de ma recherche; car la liberté que Dieu a voulue pour l'homme, Il ne la lui retirera jamais. Sinon Dieu aura fini d'être Dieu et l'homme aura cessé d'être homme.
Les musulmans savent que je ne suis pas musulman : si j'avais été convaincu de l'Islam, je l'aurais embrassé. L'Eglise, grâce à Dieu, n'interdit à personne de ses fils de choisir n'importe quelle croyance ou de prendre quelque engagement qu'il veuille.
Ce que je dirai, je le dirai avec franchise, sincérité et clarté, mais en toute responsabilité. Dire la vérité, c'est mon droit, à condition de respecter les principes scientifiques et la dignité de l'homme.
Ce que je dirai, n'est pas toute la vérité, mais cela constitue une participation à la recherche de la vérité. La voie est ouverte, non pas seulement devant ceux qui me refuseront, mais surtout devant ceux qui feront une autre recherche, même si nos recherches menées scientifiquement sont contradictoires. Nous savons tous que la vérité complète, personne sur terre ne la possède; elle est chez le Seigneur du ciel et de la terre.
M'appuyant sur ces huit idées, je dis:
Je n'ai qu'un seul point de vue sur l'homme musulman, sans plus.
Alors que j'ai, vis-à-vis de l'Islam, deux points de vue contradictoires.
Et du Coran aussi, deux points de vue encore contradictoires.
Et du Prophète Muhammad aussi, deux points de vue contradictoires.
I- MON POINT DE VUE VIS-A-VIS DE L'HOMME MUSULMAN
Il existe un principe chrétien général et absolu, qui constitue un point de départ pour tous les chrétiens, chaque fois qu'ils entreprennent des recherches sur l'Islam ou qu'ils en parlent. C'est le principe de l'amour de l'homme, en tant qu'homme. Dieu a aimé l'homme, aussi l'a-t-il créé, l'a sauvé, l'a racheté et lui a préparé un bonheur éternel. Partant de ce principe, les chrétiens trahiront leur christianisme s'ils avaient vis-à-vis des musulmans ou de tout autre homme, quelque attitude de refus. Dieu ne serait plus Dieu, ni le Christ vraiment Christ, ni le christianisme n'aurait vraiment un sens, s'il existait chez les chrétiens quelque sentiment de refus pour n'importe quel être humain. C'est là une vérité totale qui n'admet ni interprétation ni explication.
Quelles que soient les circonstances, quels que soient les motifs, les mobiles, les objectifs et les justifications. les chrétiens ne seront pas chrétiens s'ils entretiennent de la haine pour n'importe quel être humain; ou s'ils entrent en litige avec lui ou s'ils font des discriminations entre les hommes ou s'ils prennent à l'égard de quelqu'un une attitude hostile à cause de sa religion ou de son appartenance nationale ou de sa race ou de sa bonté ou de sa méchanceté...
Dans l'enseignement du christianisme, Dieu lui-même "fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants et tomber sa pluie sur les justes et sur les pécheurs"1
Les chrétiens seront-ils plus jaloux de l'honneur de Dieu que Dieu lui-même?
Les chrétiens sont-ils responsables de l'honneur de Dieu au détriment de l'homme?
Le message du christianisme est clair; St Jean l'exprime disant:
"...Celui qui n'aime pas son frère qu'il voit, ne saurait aimer Dieu qu'il ne voit pas". 2
Et encore :
"Celui qui hait son frère est un homicide. Et tout homicide n'aura pas la vie Eternelle".3
Cet amour-là s'appuie sur la conception de l'Incarnation qui est le fondement de la foi chrétienne. Cette Incarnation fut en faveur de l'homme, de tout homme, car l'homme est une valeur en soi; sa liberté et sa dignité sont aussi deux valeurs auxquelles ne doit toucher aucune loi descendue ou prophète envoyé, ou ange chargé de mission, ou religion révélée, ou croyance sainte ou doctrine éternelle et inamovible.
Dans le christianisme, l'homme est un moyen d'aller à Dieu. Il est la face de Dieu.
Il se peut que Dieu ne se puisse être vu ou connu que par la face de l'homme dans laquelle il se révèle mieux que dans n'importe quelle religion ou livre... Le guide vers Dieu et la voie qui conduit à lui, c'est l'homme, but de toute révélation. Il se pourrait qu'il n'y ait de salut pour l'homme que par l'homme.
Ces propos signifient, pour les chrétiens, qu'ils doivent accepter les autres tels qu'ils sont, où ils sont, à quelque religion ou croyance qu'ils appartiennent et quelles que soient leur ethnie et leur appartenance étatique.
Les chrétiens commettraient un grand crime s'ils croyaient qu'ils seront jugés sur autre chose que sur l'amour qu'ils auront manifesté envers leurs frères les hommes, et en particulier, envers les faibles et les nécessiteux. Ceux-ci Jésus les assimile à lui .4
Je veux dire : si les chrétiens continuent à refuser les musulmans ou toute autre personne, ils ne seront pas chrétiens; le Christ n'est pas leur Seigneur, le christianisme ne leur appartient pas et ils ne connaissent rien à l'Evangile.
Le christianisme au Liban, et dans le monde aussi, n'a malheureusement pas encore atteint ce niveau avec les musulmans, et ce, pour quatre motifs:
Refus des musulmans de connaître vraiment le Christ, comme il apparaît dans l'Evangile et dans les enseignements de l'Eglise et des Pères. Pour connaître la réalité du Christ et du christianisme, ils se réfèrent uniquement au Coran et aux Hadiths du Prophète.
Les responsables de l'Eglise du Liban portent la responsabilité de l'ignorance des musulmans et de leur refus des vérités chrétiennes. Ils n'ont, jusqu'à présent, rien montré aux musulmans de ce que ceux-ci doivent connaître du christianisme.
La conduite non chrétienne des chrétiens, et de la part d'un grand nombre parmi eux vis-à-vis des musulmans, est scandaleuse; leur morale est très différente de celle du Christ; leur spiritualité est très éloignée de celle de l'Evangile; leur appartenance à l'Eglise est simplement sociale et leur amour des autres est tout intéressé.
Le repliement des musulmans sur eux-même par rapport aux non-musulmans, leur fait de classer les gens en croyants et en mécréants, en polythéistes et en gens du livre; et leur tendance à diviser le monde en parties: la terre de l'Islam et le pays de la guerre. La troisième partie, c'est le pays du contrat et de la convention temporaire.
La vertu et l'avantage de cette troisième partie, c'est qu'elle permet d'engager un dialogue islamo-chrétien qui, en réalité, ne signifie pas grand-chose, n'avance guère d'un pas vers la compréhension et le rapprochement, et ne montre chez ceux qui l'entreprennent aucun engagement réel ou foi claire et sincère.
Par rapport aux chrétiens, qu'il y ait dialogue ou non, ils sont obligés d'aimer les autres tels qu'ils sont, sinon ils ne seront pas chrétiens; et par rapport aux musulmans, le dialogue, c'est la qualité du pays du contrat temporaire, il est par conséquent temporaire; c'est-à-dire sans signification jusqu'à ce que l'Islam soit tout en toute chose et domine toute chose.
Ceux qui conçoivent le "dialogue islamo-chrétien" à la manière libanaise et qui luttent pour cela, doivent, dans ce cas, en changer le titre et l'identité, et travailler, à la place du dialogue islamo-chrétien, pour un "dialogue National" auquel participera tout citoyen, qu'il soit musulman ou non, croyant ou mécréant. Ce dialogue aura pour sujet "les Droits de l'Homme", les véritables exigences de la citoyenneté et tout ce qui contribue au bien et apporte du bonheur à l'homme dans sa maladie, sa vieillesse, ses peines et son ignorance; tout ce qui permet de lui trouver du travail et des occasions pour développer sa personnalité. C'est sur cela que doit porter le vrai dialogue, pas sur les "droits de Dieu", les choses extra-terrestres, la défense de la croyance, la guerre sainte, la classification des gens en croyants et en mécréants, les accusant de polythéisme et d'athéisme...
L'attitude des chrétiens vis-à-vis des musulmans, ils ne la puisent donc pas seulement dans leur sens de l'humanisme, mais principalement dans leur christianisme qui se base en tout, et avant tout, sur leur croyance en l'Incarnation par laquelle Dieu a "renoncé" à lui-même pour le bien de l'homme. Les chrétiens seraient-ils vraiment chrétiens s'ils n'étaient pas "gens de l'Incarnation"? Et les musulmans peuvent-ils oeuvrer pour Dieu et pour l'au-delà, s'ils ne sont pas, eux aussi; des "gens d'incarnation"?
II - MON POINT DE VUE SUR L'ISLAM
Le terme "Islam" et ses dérivés dans le Coran porte un sens différent de celui qu'il va porter après le Coran et dans l'histoire ultérieure de l'Islam. C'est le sens coranique qui passe en premier et il est le seul acceptable; alors que le sens qu'il a pris ultérieurement est absolument à rejeter.
* * *
Dans le Coran, "Islam" veut dire la religion des prophètes antécédents; la religion de ceux qui ont suivi Muhammad sans faire de distinction entre prophète et prophète, ou entre livre et livre. C'est la religion de ceux qui croient en un Dieu unique et refusent le polythéisme et les idoles. Les vrais musulmans sont ceux qui conservent toujours la foi de ceux que le Coran appelle "gens de livre"; avant que ne se soient scindés les ""gens du livre", en sectes et en partis.5
Le premier prophète envoyé par Dieu aux humains, ce fut Noé qui a dit:
"... Et il m'a été commandé d'être du nombre des musulmans" .6
Abraham,
"n'était ni juif, ni chrétien. Il était entièrement soumis à Dieu. (musulman). Et il n'était point du nombre des polythéistes" .7
Lui et son fils Ismaël prient Dieu et proclament leur islam.
"Seigneur fais de nous tes soumis et de notre descendance une communauté soumise" .8
Et des maisons de Lott
"Mais nous n'y trouvâmes qu'une seule maison de gens soumis (musulmans): Celle de Lott et de ses deux filles" .9
Jacob aussi, avant de mourir recommande à ses enfants leur disant:
"O mes fils, certes Dieu vous a choisi la religion; ne mourrez point donc autrement que soumis (musulmans)" .10
Les fils de Jacob étaient fidèles à leur père, ils ont tenu compte de sa recommandation et dirent:
"nous adorerons ton Dieu et le Dieu de tes pères, Abraham, Ismaël et Isaac. Dieu unique et auquel nous sommes soumis" .11
Le Juste Joseph prie son Seigneur lui disant:
"O mon Seigneur... tu es mon patron ici-bas et dans l'au-delà. Fais-moi mourir en parfaite soumission (musulman) et fais-moi rejoindre les vertueux" .12
Et Moïse dit encore à son peuple:
"Si vous croyez en Dieu, placez votre confiance en lui, si vous êtes soumis (musulmans)" .13
De même Pharaon qui a essayé de se convertir à Dieu, avant qu'il ne soit englouti dans les eaux de la Mer Rouge. Il a dit:
"Je crois que n'existe nul Dieu hors Celui en qui croient les Fils d'Israël. Je suis parmi les Soumis (à Lui) Muslim" .14
Et les Magiciens se confessaient devant Pharaon, et disaient:
"Seigneur, déverse sur nous l'endurance et fais-nous mourir entièrement soumis" (musulmans) .15
Salomon dit:
"Le savoir nous a été donné avant elle (Balqiss reine de Saba) et nous musulmans" .16
Et Balqiss, reine de Saba qui a cru Salomon, elle s'est déclarée musulmane disant:
"Je suis musulmane avec Salamon et soumise à Dieu, Seigneur de l'univers".17
Les Prophètes d'Israël qui se sont soumis, jugent ce qui est descendu dans la Thora. Dieu dans le Coran dit:
"Nous avons fait descendre la Thora dans laquelle il y a guide et lumière. C'est sur sa base que les prophètes qui se sont soumis à Dieu jugent les affaires" .18
Des douze Apôtres de Jésus, qui prirent Jésus à témoin de leur soumission (Islam); il dit:
"Quand Jésus ressentit de l'incrédulité de leur part, il dit: "qui sont mes alliés dans la voie de Dieu? Les Apôtres dirent: "Nous sommes les alliés de Dieu. Et nous croyons en Dieu. Sois témoin (ô Issa) que nous sommes musulmans" .19
Il semble que tous les gens de Livres, selon ce qui est dit dans le Coran, juifs ou chrétiens et de différentes sectes, étaient tous musulmans. Il dit:
"O gens du livre, venez à une parole commune entre nous et vous: que nous n'adorions que Dieu, sans rien lui associer et que nous ne prenions point les uns les autres pour seigneurs en dehors de Dieu. Puis s'ils tournent le dos, dites: Soyez témoins que, nous sommes musulmans" .20
Et il dit encore des gens de Livres qui ont dit:
"Nul n'entrera au paradis que Juifs et Chrétiens. Voilà leurs souhaits. Dis: donnez vos preuves, si vous êtes véridiques. Non, mais quiconque soumet à Dieu son être tout en faisant le bien aura sa rétribution auprès de son Seigneur" .21
Et il dit encore:
"Il ne va pas vous commander de prendre pour seigneurs des anges et des prophètes. Vous commanderait-il de rejeter la foi, vous qui êtes musulmans".22
* * *
Aussi à l'exemple de Noé, d'Abraham, d'Ismaël son fils, de Jacob et de ses fils les douze tribus, de Joseph le Juste, des prophètes: Moïse, Salomon, Balqiss la reine de Saba, de Pharaon aussi, des magiciens, des douze Apôtres de Jésus, de tous les prophètes, de tous les gens de livres, Juifs ou Chrétiens, en leurs divers sectes et partis... il s'impose aux disciples de Muhammad de se conduire et de se joindre à eux, de leur être semblables, de dire ce qu'ils disent selon les appels réitérés que le Coran leur adresse:
"Dites: nous croyons en Dieu et en ce qu'Il nous a révélé et en ce qu'on a fait descendre sur Abraham, Ismaël, et Isaac, sur Jacob et les tribus, et en ce qui a été donné à Moïse et à Jésus, en ce qui a été donné aux prophètes venant de leur Seigneur: nous ne faisons aucune distinction entre eux. Et à lui, nous sommes soumis" .23
Il les appelle encore à croire en Dieu, en ses livres et qu'ils n'aient pas de préférence pour aucun des prophètes. Faisant cela, ils seront de vrais musulmans. Il dit:
"Dis, nous croyons en Dieu, à ce qu'on a fait descendre sur nous, à ce qu'on a fait descendre sur Abraham, Ismaël, Isaac, Jacob et les Tribus, et à ce qui a été apporté à Moïse, à Jésus et aux prophètes de la part de leur Seigneur: Nous ne faisons aucune distinction entre eux et c'est à lui que nous sommes musulmans soumis" .24
Le prophète Muhammad invite ses disciples à ne pas se diviser comme les fils d'Israël l'ont fait, qu'ils n'adhèrent à aucun parti, mais qu'ils craignent Dieu et qu'ils ne meurent que musulmans, c'est-à-dire croyant à l'unicité de Dieu, au livre, à l'union, à la concorde et à l'accord entre les gens. Il dit:
"O les croyants ) craignez Dieu comme il doit être craint et ne mourez que pleinement soumis (musulmans). Et cramponnez-vous au Livre et ne soyez pas divisés. Rappelez-vous le bienfait de Dieu sur vous: lorsque vous étiez ennemis, c'est Lui qui réconcilia vos coeurs. Puis, par son bienfait, vous êtes devenus frères. Et alors que vous étiez au bord d'un abîme de feu, c'est lui qui vous en a sauvés. Ainsi, Dieu vous montre ses signes afin que vous soyez bien guidés... Ne soyez pas comme ceux qui se sont divisés et se sont mis à se quereller après que les preuves leur furent venues" .25
Et en plusieurs endroits ailleurs, nombreux sont les versets où le mot "Islam" (Soumission) se trouve avec ses dérivés et qui montrent que les vrais musulmans sont eux qui croient en un Dieu unique, prennent en considération les enseignements de la Thora, de l'Evangile et du Coran, croient au message de tous les prophètes antérieurs, sans distinction entre eux. Les musulmans sont ceux qui, selon la définition du Coran, croient en "l'unicité" de Dieu et ne font pas de distinction entre les prophètes; ce sont ceux qui "estiment tout le Livre" sans préférence; ce sont ceux qui réconcilient les peuples et les partis sans parti pris...
Parmi ces versets, on peut citer quelques uns:
- Les gens du Livre dirent:
"Avant lui (le Coran) nous avons été musulmans" .26
- Dans le Coran il est dit:
"Il vous a déjà nommés musulmans avant et dans ce livre(le Coran)" .27
- Et Dieu dit à Muhammad:
"Nous ne t'avons envoyé qu'en miséricorde pour l'univers. Dis: Voilà ce qui est révélé: votre Dieu est un Dieu unique. ätes-vous soumis, décidés à embrasser l'Islam?" .28
- Et le prophète lance l'appel à ses disciples leur disant:
"Et ne discutez que de la meilleure façon avec les gens du livre, sauf ceux d'entre eux qui sont injustes. Et dites: Nous croyons en ce qu'on a fait descendre vers nous et descendre vers vous, tandis que notre Dieu et votre Dieu est le même et c'est à lui que nous nous soumettons" .29
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Il est d'autres versets qui indiquent que le véritable Islam a devancé l'Islam arabe. Ces versets indiquent que le Prophète Muhammad lui-même a déclaré son adhésion à cet Islam; il en a accompli les pratiques et en a rejoint les disciples. Cela fut, à ce qu'il paraît, sur un ordre divin(?):
"... Il m'a été commandé d'être du nombre des musulmans et de réciter le Coran..." .30
Et il dit:
"... Et il m'a été ordonné de me soumettre au Seigneur de l'univers" .31
Puis la situation ayant pesé davantage sur lui, Dieu l'appela pour se mettre à la tête des musulmans, et à être leur Imam, leur responsable, leur chef, et leur tuteur; en un mot, le premier parmi eux. Il dit:
"Il m'a ordonné d'être le premier des musulmans" .32
Et il dit aussi:
"... On m'a commandé d'être le premier à me soumettre" .33
"Aussi on m'a commandé et je suis le premier des soumis" .34
Cette primauté, il est clair, n'est pas une primauté temporelle, mais une primauté de dignité et de responsabilité, puisque le Coran lui-même confirme l'antériorité du véritable Islam sur l'Islam arabe; et l'antériorité de l'Islam des prophètes précités sur l'islam de Muhammad et de ses compagnons. Pour cela, les musulmans d'aujourd'hui n'ont pas d'excuse de faire perdre au véritable islam un temps qui a précédé celui qu'ils lui ont fixé pour naissance. Et ils ne peuvent pas prétendre que l'Islam leur fut donné à eux et pas à d'autres; et enfin, ils n'ont pas à être autrement que n'a été Muhammad et ses partisans.
* * *
Cet Islam qui a précédé l'Islam arabe, quelle religion est-il?
Si nous examinons les enseignements de l'Islam et celui de la "Nasranya" qui existait alors dans la presqu'île arabique, nous les trouvons les mêmes et avec des principes communs. L'Islam de la Mecque ne diffère en rien de la "Nasranya" arabe; bien plutôt il est la "Nasranya" elle-même: il croit ce qu'elle croit, estime ses livres et suit ses prophètes; ils ont la même croyance, la même devise; l'Islam se conduit selon les lois de la Nasranya et pratique ses obligations à la lettre.35
Le plus juste serait de dire que la Nasranya et l'Islam sont une seule religion avec deux appellations différentes. Dites plutôt: l'Islam est l'appellation arabe de la Nasranya mecquoise.
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Cette religion est celle que Dieu a choisie pour ses serviteurs:
"Aujourd'hui, j'ai parachevé pour vous votre religion et accompli sur vous mon bienfait. Et j'agrée l'Islam comme religion pour vous" .36
Pas d'autre religion agréée par Dieu:
"Quiconque désire une religion autre que l'Islam, ne sera point agréé" .37
"Certes, la religion agréée par Dieu, c'est l'Islam" .38
"Quiconque Dieu veut guider, il lui ouvre la poitrine à l'Islam" .39
"... il détient ainsi une lumière venant de Dieu" .40
C'est une faveur dont il faut rendre grâce à Dieu:
"...Ne me rappelez pas votre conversion à l'Islam comme une faveur. Tout au contraire une faveur dont Dieu vous a comblés" .41
Ces versets et bien d'autres où le mot Islam est répété, indique, une fois encore que l'Islam, au regard du Coran, n'est pas une religion différente de celles des gens du livre; et que l'Islam véritable était avant l'Islam que connaissent aujourd'hui les musulmans. La révélation qui lui a été faite n'est pas exclusive à lui, mais elle est la continuation de la révélation précédente: ses enseignements, sa doctrine et ses pratiques sont les mêmes dans la "Nasranya"...
Quant à l'Islam ultérieur, celui d'après le Coran, il est devenu une religion indépendante, à côté du judaïsme et du christianisme. Une religion adversaire du judaïsme, de ses livres et de ses attitudes: Il admet la Nasranya42 ; il considère athée le christianisme et l'accuse de polythéisme, d'exagération sur Dieu et sur le Christ.
Cette indépendance a imposé, dans l'histoire de l'Islam ultérieur, deux états: un état de lutte constituant un clivage dans les relations entre le christianisme et l'Islam pour toujours; et un état de faux "dialogue religieux" dans lequel les deux partenaires essaient, en vain, de rapprocher des points de vue différents.
Les deux états n'appartiennent en rien au véritable Islam. Car l'islam n'est pas une religion indépendante de la Nasranya pour qu'ils se battent; et ils ne sont pas, non plus, en état d'armistice pour qu'ils dialoguent ensemble.
C'est en ce sens que nous disons que le véritable Islam a, avec la Nasranya, la même origine, des croyances communes, des pratiques semblables et un seul patrimoine commun ...43. Les chrétiens d'aujour-d'hui, qu'ils soient de la Nasranya ou du christianisme, ne peuvent se désintéresser de ce patrimoine commun, le même entre eux et entre les musulmans. Ni les musulmans, à quelque branche qu'ils appartiennent, ne peuvent pas nier cet unique patrimoine commun. Aussi les chrétiens sont-ils obligés de considérer le véritable Islam comme un mouvement spirituel, social et de rectification révolutionnaire dans la société mécquoise. Ils doivent traiter avec ce mouvement comme étant une partie de leur histoire religieuse et sociale, et de leurs patrimoine dont ils sont fiers.
* * *
Partant de cette considération, la lutte entre les christianisme et l'Islam devient un combat politique, ni plus, ni moins. Avec cette même considération, la lutte entre christianisme et Islam devient comme le dialogue de celui qui se parle à lui-même. Pas de place, donc, pour le combat politique, ni pour le dialogue religieux, car le christianisme, dans sa vérité contient l'Islam. Et l'Islam, dans sa vérité, est un mouvement dans le coeur de la Nasranya arabe et le prolongement de ce mouvement. Nous le répétons disant: Tout ce qu'il y a dans l'Islam d'inacceptable pour les chrétiens, et tout ce qu'il y a dans le christianisme d'inacceptable pour les musulmans revient à cette Nasranya qui était alors tant répandu dans toutes les parties de la presqu'île arabique au sein de cette société naissante fondée par le Prophète suivant les données de ce temps. Si quelqu'un parmi nous veut comprendre la réalité des choses, il doit retourner à ces débuts et dépasser "les révélations de Gabriel" pour tenir compte de ces causes historiques, sociales et religieuses à l'ombre desquelles l'Islam a pris naissance. Commencera alors une marche nouvelle et sérieuse méritant de rester vivante.
III - MON POINT DE VUE SUR LE CORAN
Il y a deux Corans: Celui de la Mecque et celui de la Médine. "La différence entre le Coran Mécquois et Médinois, comme dit Hussein Ahmad Amine, n'est pas dans le lieu ni dans la différence du temps où il a été "descendu" mais c'est une différence de niveau entre les interlocuteurs".44 Le niveau des interlocuteurs entre la Mecque et la Médine, conduit nécessairement à deux points de vue différents sur le Coran.
Le Coran Mecquois, invite à croire en un Dieu unique, en le jour dernier, en une seconde vie, au Paradis et au feu, à faire de bonnes oeuvres, à des pratiques religieuses, comme la circoncision, le jeûne et la prière; il interdit de manger du cochon, de boire du vin et de s'abstenir de manger des viandes offertes aux idoles... Comme il invite tout spécialement à s'occuper des veuves et des orphelins, à aider les pauvres et les nécessiteux. Les reproches faits aux riches, aux usurpateurs des biens des orphelins et des veuves, nous les trouvons exprimés en termes semblables dans l'Evangile et le Coran.45
Ces enseignements mécquois comprennent plus des deux tiers du Coran. C'est eux qui forment "l'origine"; alors que le Coran de la Médine en est "une branche". Les musulmans d'aujourd'hui suivent "la branche" qui a abrogé l'original.46
* * *
Quant au Coran médinois, j'ai aussi, par rapport à lui, deux points de vue contradictoires:
- Un point de vue d'acceptation, mais une acceptation en son temps, en son milieu, en sa société, en sa civilisation, en un niveau de vie et selon les valeurs morales alors appliquées.
- Mais ce qui est inacceptable c'est que la législation civile d'alors reste en application jusqu'à notre temps et que les musulmans l'appliquent toujours malgré le changement survenu en toutes choses.
Nombreux sont les musulmans qui croient en la pérennité de la loi médinoise, car c'est elle qui est venue en dernier, et par conséquent elle complète ce qui a été fait à la Mecque.
Mais d'autres musulmans ont cru que
" Le Coran de la Mecque est l'origine et le Coran de la Médine en est une branche. Et, selon leur opinion la branche est une application momentanée de l'original. Et quand viendra le moment, il faut revenir à l'original. Ils ont encore dit que l'application des points en suspens dans le message mécquois... a été remise jusqu'au moment où les circonstances seront favorables à cela dans l'avenir" .47
"La question qui se pose ici c'est si la version médinoise qui a abrogé l'original mecquois a toujours effet là où ce texte original mécquois, plus ancien, reste inappliqué pour toujours?". Cela veut dire que l'acceptation éternelle de la version médinoise est "la privation des musulmans des meilleurs aspects de leur religion". Dans son essence, cette version était une opération logique et nécessaire pour mettre en pratique les textes convenables; et aussi l'ajournement de l'application d'autres textes, jusqu'à ce que les circonstances favorables en permettent l'application" .48
"Cela veut dire que les textes mécquois sont de meilleur contenu que les textes médinois, et par conséquent, la manière médinoise des relations entre les religions et entre états, c'est elle qui a été transitoire et tactique et pas la manière mécquoise" .49
Ce sens historique de la loi coranique, de nombreux musulmans l'ont compris d'une façon que nous ne saurions ignorer. Ceux-là sont des musulmans et non des rénégats; des croyants et non des athées; des religieux et non des laïcs...
Toutefois ce sont des musulmans qui tiennent à la "Charya' (la loi) celle de la Mecque, de ses origines spirituelles, c'est-à-dire à l'unicité et à la dévotion à Dieu, au respect et à l'amour de l'homme, à l'invitation à faire l'aumône aux pauvres, aux orphelins, et aux nécessiteux; à l'amour des gens, de tous les gens, et au respect de leur liberté dans la doctrine, la religion, la pensée et le comportement...
Ceux-là, sont persécutés dans l'Islam parce que leur compréhension de l'Islam est différente de celle du grand ensemble des musulmans, des extrémistes comme des modérés, où le jugement est à Dieu. Le Coran est la constitution, et la "charya'" est la loi de l'ensemble des musulmans: la solution est dans l'Islam, l'autorité est à Dieu et l'Etat est confessionnel. etc... Ceux-là sont persécutés par les musulmans et ignorés par les chrétiens... Ils marchent seuls; et tout seuls, ils découvrent Dieu... Mais est-il du pouvoir de l'homme de connaître Dieu sans aide?
* * *
En somme, le Coran mécquois, c'est lui qui est l'origine, et le Coran de la Médine en est la branche. La branche doit suivre l'origine. Revenir à l'origine est clarté et franchise. S'arrêter à la branche est frustration et immobilité, même plus, c'est un retour en arrière.
IV - MON POINT DE VUE SUR LE PROPHETE MUHAMMAD
Le prophète Muhammad est un grand homme, pas de doute en cela. Toutefois nous nous demandons tout de suite: Sa grandeur lui vient-elle de ce qu'il est prophète, sur lequel un livre est descendu du ciel? Ou parce qu'il fut un très grand réformateur, il a réformé toute une société détériorée en toute chose?
Et nous disons tout de suite aussi: regarder Muhammad comme prophète, ne le place pas parmi les grands: car la prophétie, selon ce que nous en savons des Ecritures et des références des gens du livre de ce temps-là, n'a pas été, à ce que l'on pense, une chose tellement grande et rare.
* * *
Dans son sens selon l'Ecriture, la prophétie est une fonction spirituelle et de direction. Elle est apparue à une époque déterminée de l'histoire, entre 750 avant Jésus-Christ avec les prophètes Amos et Osée et 200 avant Jésus-Christ avec Daniel et Baruc. Leur fonction essentielle consistait à donner de la loi une explication spirituelle. Plus tard, c'est-à-dire une fois que l'époque des prophéties était révolue, cette fonction a été remplie par des sages. Aujourd'hui n'importe quel homme qui parle au nom de Dieu, est un prophète de la parole de Dieu; il incite les gens à observer la loi de Dieu, par le jeûne, la prière et les Oeuvres pieuses: il leur rappelle constamment ce que le Coran a exprimé des centaines de fois, que:
"ceux qui croient et font de bonnes Ïuvres auront les jardins des délices" .50
Ensuite, avec le temps, la prophétie a pris un sens plus large: on a appelé prophète tout grand homme en Israël qui avait vécu avant ou après cette époque proprement prophétique. Adam est devenu prophète; aussi: Noé, Abraham, Lott, Isaac, Ismaël, Jacob et ses enfants, Moïse, Haroun, Josué, Saül, David, Salomon et bien d'autres... tous sont des prophètes.
Puis, on trouve beaucoup de gens en Israël qui ont prophétisé. Par exemple: "il y avait une communauté de prophètes"51 et des "enfants de prophètes".52 Et quand Saül poursuivait David, il a envoyé ses messagers, ceux-ci ont vu la "Communauté des prophètes qui prophétisaient. A leur tête se tenait Saül. L'Esprit du Seigneur est descendu sur les messagers de Saül, et eux aussi ils ont prophétisé. On a rapporté la chose à Saül et il a envoyé d'autres messagers; eux aussi ont prophétisé. De nouveau Saül a envoyé, pour la troisième fois, d'autres messagers, eux aussi ont prophétisé. Alors il est parti lui-même, l'Esprit de Dieu est descendu encore sur lui et il marchait et prophétisait... Pour cela on a dit: Saül aussi est parmi les prophètes".53
On trouve aussi des prophètes chez les Cananéens, comme les 450 prophètes de Baal; et les 400 prophètes d'Astarthée54 . Ils invoquent le nom de Baal; ils dansent autour de l'autel, au son de la musique; ils se flagellent et se déchirent avec des épées55, exactement comme le font les prophètes d'Israël.56
Il y a des prophètes arabes comme Job, Houd, Saleh, Shouaïb et Balaam. Certains parmi ceux-ci ont leurs noms cités dans l'Ancien Testament. Et d'autres, se trouvent dans le Coran...
A l'origine, la prophètie n'appartenait donc pas exclu-sivement aux enfants d'Israël, ni à certains privilégiés des fils d'Israël, ni à certains gens qualifiés de justes. Plutôt, on trouve des prophètes chez tous les peuples; des prophètes du commun du peuple, des prophètes fils de prophètes; de grands prophètes et de petits prophètes; des prophètes vrais et de faux prophètes...
Rien d'étrange que Moïse ait souhaité que le don de prophétie soit général et le propre de tout le monde. Un jour, il a formulé le souhait suivant: "Puisse tout le peuple du Seigneur être prophète".57 Et encore Joël a souhaité "que Dieu répande son Esprit sur tout homme; alors vos fils et vos filles prophétiseront".58
Cette vérité sur la généralité de la prophétie, St. Paul l'a exprimée de la meilleure façon quand il a dit: "Vous avez tous la possibilité de prophétiser, à tour de rôle".59 Aussi, y avait-il des prophètes dans l'Eglise de Jérusalem60 puis dans celle d'Antioche61, d'Ephèse62, de Césarée63 et de Corinthe.64
La prophétie est un don répandu par l'Esprit-Saint sur la Communauté des fidèles.65 Il en distingue certains parmi eux: ils sont appelés proprement prophètes66 comme Agabus67 , Juda et Sylla.68 Leur rang est inférieur à celui des Apôtres.69 Mais, dans l'Eglise, leur rôle est plus important que celui de prédire l'avenir70 , de lire les pensées.71 Il est celui d'expliquer les livres saints, particulièrement les livres des prophètes anciens, guidés qu'ils sont en cela par l'Esprit-Saint.72
St Paul dira que les prophéties disparaîtront un jour:
"Les prophéties? elles disparaîtront. Les langues? elles se tairont. La science? elle disparaîtra. Car imparfaite est notre science, imparfaite aussi est notre prophétie. Quand donc viendra ce qui est parfait, ce qui est imparfait disparaîtra" .73
Le parfait est venu avec le Christ, par lequel Dieu s'est revélé lui-même à l'homme; bien plutôt il est "Dieu-en-nous".
Ces paroles signifient que: ceux qui ont obtenu la plénitude et la perfection n'ont pas à revenir à l'incomplet et au partiel. Ceux qui ont reçu l'Esprit-Saint et sont devenus ses temples n'ont pas à retourner à d'obscures allusions prophétiques. Et ceux qui ont reçu le salut par Jésus-Christ n'ont pas à attendre le salut de quelque prophète ou envoyé, ou de quelque révélation ou autre religion.
Cette vision des prophéties et de toutes les institutions de l'Ancien Testament, Jésus lui-même en a parlé quand il a dit que ce Temple et tout ce qu'il symbolisait dans le judaisme, sera démoli et Dieu ne sera adoré, ni sur cette montagne, ni à Jérusalem, mais en esprit et en vérité et en tout lieu.74
La venue du Christ sur la terre n'a pas été, comme certains le pensent, pour annuler les prophéties et pour s'en passer; mais, au contraire, c'était pour les élargir afin de couvrir tout le peuple de Dieu dans tous ses individus. Exactement comme l'avait souhaité Moïse et prophétisé Joël.75
Le jour de la Pentecôte, Pierre a déclaré accomplie cette prophétie en sa totalité; l'Esprit du Seigneur a été répandu sur toute chair; et la vision et la prophétie sont devenues chose ordinaire dans le nouveau Peuple de Dieu. Les dons spirituels par les prophéties, et la sainteté par la foi et les oeuvres, ont été abondamment répandus dans l'Eglise.76
* * *
Cela était dans l'Ancien Testament et dans l'Eglise primitive. Et ce sera aussi du temps du Prophète Muhammad avec les tribus des "gens du livre", à la Mecque et au Hédjaz. Cette prophétie n'a pas été, comme nous l'avons vu, une institution spirituelle choisie par Dieu, ni un don supérieur que Dieu répand comme une faveur sur certaines personnes et pas sur d'autres. Le Prophète n'a pas été, dans sa tribu et parmi son peuple, autrement que n'ont été les Inspirés, les Voyants, les Prophètes, les Poètes, les Devins, les Mages et les Sorciers... La prophétie est chose commune chez ces gens, de sonder l'avenir78, de connaître la volonté des dieux, de parler en leur nom, d'écouter à la dérobée, en cachette79, de regarder attentivement l'avenir, de découvrir les mystères, de faire venir les esprits, de voir les anges et les démons... et ainsi de suite...
Le milieu de Muhammad ne manquait pas de ces prophétisants: les livres de la Sirat sont pleins de gens qui avaient prophétisé sa venue, découvert son prophétisme, et connu ce à quoi aboutira sa mission. A commencer par Waraqa bn Nawfal, oncle de Khadija, le moine Bahyra, le moine Sergius de Basra Houran, le moine 'Iç de Damas, 'Addas le Ninivite et Khadija elle-même qui savait ce que sera son époux. En plus des pontifes, des devins et des rois de la Perse, de Byzance, de l'Ethiopie et de l'Egypte... De sorte qu'on a tellement prophétisé sur Muhammad que nous nous interrogeons sur la véracité, non de ce qu'ils ont prophétisé, mais sur le climat général dans lequel ces très nombreuses prophéties ont eu lieu et touché des collectivités aussi bien que des individus.
Dans ce climat, Muhammad lui-même n'a pas été à l'abri des calomnies nombreuses qui l'avaient placé dans les rangs des prophétisants, des sorciers, des devins, des poètes, de ceux qui traitent avec les esprits du mal et des connaisseurs de l'Inconnaissable. Il refusait toujours d'être l'un de ceux-ci; cela parce que la réforme spirituelle et sociale qu'il voulait opérer et dont la société d'alors avait grand besoin, était considérée comme une grande tâche prophétique.
* * *
Par suite de cette vision historique de la prophétie, nous ne considérons plus le prophétisme de Muhammad comme quelque chose de glorieux, ni ne lui attribuons un grand honneur. L'importance de Muhammad se trouve ailleurs. Elle est plus merveilleuse et plus efficace et il y est allé très loin et il a réussi. Il s'agit de son rôle de réformateur d'une société totalement pourrie, et du succès qu'il a obtenu dans sa tâche et dans ce à quoi il a appelé. Ce succès était sur plusieurs plans: spirituel, social et autres...
Sur le plan spirituel, Muhammad a ramené l'Islam à sa pureté originelle, au temps des prophètes, avant tout esprit de parti. Il a appelé à simplifier la doctrine religieuse et appris qu'"il n'y a de Dieu que Dieu"; cela suffit. En cela il a dépassé les divergences des chrétiens sur la divinité du Christ, sur ses deux natures, sur ses deux volontés et sur sa crucifixion et sa résurrection, et autres questions semblables. De même, il a appelé à adopter un seul livre qui réunit tous les différents autres livres. "La réunion" est un autre sens du mot "Coran", (dont la racine en arabe signifie unifier, réunir). Il a aussi appelé à l'unification des sectes et des partis en conflit par suite de la différence de doctrine.
Il a obtenu un éclatant succès dans ce domaine. Sur le plan social, Muhammad a pu, lui qui vivait dans une société divisée en riches et pauvres, prendre le parti des pauvres et donner aux veuves une particulière attention. Son appel, par exemple, à prendre "une, deux ou trois" femmes n'a été que pour les orphelins et les veuves" dans Sourat An-Nisa, son attention est clairement manifestée. Il dit:
"Si vous craignez de n'être pas justes envers les orphelins... Il vous est permis d'épouser deux, trois ou quatre femmes, parmi celles qui vous plaisent" .80
L'invitation à épouser quatre femmes était donc pour le bien des orphelins et non à cause des femmes. Puis la Mecque était alors "une ville morte".81 "Il (Dieu) lui fit goûter la morsure de la faim ".82 Et à cause de l'acuité de la faim, certains ont tué leurs enfants. Le Coran les a mis en garde:
"Ne tuez pas vos enfants par crainte de pauvreté: c'est Nous qui leur attribuons leur subsistance, tout comme à vous..." .83
Comme il a mis en garde ceux qui vendaient leurs filles pour la fornication afin d'en toucher un salaire:
"Ne contraignez pas vos filles à la prostitution par recherche des profits passagers en ce monde".84
Toute la richesse était dans les mains d'un petit nombre de commerçants et ils usaient arbitrairement de la vie des gens... Le nombre des pauvres était incalculable et Muhammad en faisait parti. Le plus pauvre des ses oncles paternels s'était chargé de l'élever. Quand il eut treize ans, son oncle lui dit un jour:
"Mon neveu ! Je suis un homme démuni de biens; et je n'ai personne qui me donne et me soutient, et pas de commerce" .85
Une autre fois, il lui dit:
"Je suis un homme qui a beaucoup d'enfants et peu d'argent".86
Et il a conseillé à son neveu d'aller chez Khadija, elle lui donnera de quoi vivre. Il partit. Il a travaillé comme gardien de ses caravanes, et partit pour Damas, en compagnie de milliers de pauvres, comme lui. Il entendait leurs plaintes, sentait les injustices dont ils étaient victimes et souffrait de leur état.
Muhammad ne possédait rien des ressources de la terre. Son père était mort avant sa naissance. Puis sa mère meurt quand il était encore enfant de moins de huit ans. Et tous les deux ne lui avaient rien laissé: pas de frère , pas de sÏur; pas de chameaux, ni d'argent, pas de terrain à cultiver ni de marchandises à vendre... Cette grande misère a marqué sa vie en profondeur. L'enfant a grandi et avec lui la misère. Nécessairement la misère et la frustration conduisent et aboutissent à quelque chose d'imprévu !
Il est supposé qu'un pareil état ne conduit pas à une situation moyenne ! Un homme pareil, ou bien la vie le brise, et il n'en reste pas grande chose; ou bien, il revolutionne la société qui ne sera connu que par rapport à lui. Le plus important en pareil cas c'est que l'enfant trouve un tuteur et un éducateur capables, et que son état d'âme réagisse comme il faut, relativement à ce dont il a été frustré, et que lui soient données des occasions favorables au succès. Il semble que ce climat ait été alors favorablement préparé pour atteindre l'objectif recherché...
Muhammad témoignera plus tard sur la vie de misère qu'il a menée dans son enfance. Il se souvenait toujours de sa situation d'orphelin; aussi invitait-il à
"avoir pitié des orphelins, à être généreux envers les étrangers. Dans mon enfance, j'ai vécu orphelin, et devenu grand, j'étais étranger" .87
Et le Coran le lui rappelle, si jamais il arrivait à l'oublier:
"Ne t'a-t-Il pas trouvé orphelin? Alors Il t'a accueilli ! Ne t'a-t-Il pas trouvé pauvre? Alors Il t'a enrichi" .88
Et il lui rappelle ses jours de pauvreté et de misère, une fois qu'il avait grandi et s'était enrichi par son mariage avec Khadija. Il lui dit:
"N'avons-Nous pas ouvert ta poitrine? Et ne t'avons-Nous pas déchargé du fardeau qui accablait ton dos? Et exalté pour toi ta renommée. A côté de la difficulté est certes, une facilité !"89
Muhammad se mêlait aux gens, il observait et, de sa prime jeunesse, il enregistrait ce qui lui tombait sous les yeux de luttes dans la société mecquoise, entre les riches repus et les pauvres démunis et rejetés. Il était ému à cause de l'injustice dont étaient victimes ces pauvres qui formaient le groupe le plus nombreux des habitants de la Mecque.
Le Coran rappelle aux riches que ce qu'ils possèdent en enfants et en biens ne leur servira de rien. Voilà pourquoi, à cause de leurs richesses, ils sont restés à l'écart, bien loin d'entendre l'appel de Muhammad. Il dit:
"Nous n'avons envoyé aucun avertisseur dans une cité sans que ses habitants aisés n'aient dit: Nous ne croyons pas au message avec lequel vous êtes envoyés. Et ils dirent: nous avons beaucoup de richesses et d'enfants... Dis: Ni vos biens, ni vos enfants ne vous rapprochent de nous, sauf celui qui croit et oeuvre dans le bien. Ceux-là auront une double récompense pour ce qu'ils ont fait, et ils seront dans les étages supérieurs (du paradis)".90
"Ce jour-là donc, vous n'aurez aucun moyen pour profiter ou nuire les uns aux autres; tandis que Nous dirons aux injustes: "goûtez au châtiment du feu que vous traitiez de mensonge" .91
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En somme, le message du Prophète Muhammad était grand, non parce qu'il est une religion mais parce qu'il est un mouvement révolutionnaire, réformateur, social et spirituel... Il est grand non parce que celui qui en fut chargé était un prophète que Dieu a distingué par ce dont le mérite ne revient qu'à Gabriel, mais à cause de la révolution sociale qu'il a opérée et qui a changé les fondements des sociétés arabes et détourné l'oppression des deux grands Etats de ce temps là.
Le message a obtenu un très grand succès car le messager a su lier ses enseignements, socialement révolutionnaires, à la volonté divine, afin qu'ils aient leurs bons effets chez les gens, et qu'ils durent et qu'ils incitent à y adhérer un très grand nombre d'adeptes et de disciples. Il a eu ce qu'il voulait.
Il est devenu certain, pour de très nombreux chercheurs, que l'opposition de la tribu de Qoraïche à Muhammad, n'a pas été motivée par l'appel qu'il fit pour une nouvelle religion, ni pour un nouveau Dieu, ni pour des enseignements nouveaux que ne connaissait pas Qoraïche... Depuis leur ancien grand père Qoçaï, fondateur de la dynastie, les Qoraïchites étaient commerçants. Et de sa nature, le commerçant penche pour la paix, l'entente et la tolérance. Dans leur temple, ils acceptaient n'importe quel dieu et n'importe quelle religion... Le jour où le Prophète était entré dans la "Kaaba" il y avait plus de trois cent soixante cinq divinités. Ni un nouveau dieu, ni la statue d'un nouveau dieu; n'étaient de nature à les déranger; bien plutôt, ce dieu pouvait leur être profitable si, à sa suite, il y avait de nouveaux adorateurs dont il serait possible de tirer profit commercialement.
Il est donc certain que le véritable motif pour lequel les gens de Qoraïche avaient violemment réagi au message de Muhammad, c'était son appel à une révolution sociale, qui allait renverser les riches; ce qui effectivement est arrivé. Muhammad n'a-t-il pas dit un jour, dans le Coran lui-même à ceux qui avaient soutenu avec lui la bataille de "Badr" et qui fut le début de sa mission: "Dieu vous a donné la victoire, à Badr, alors que vous étiez humiliés".92 Et que de fois le Prophète a pris à témoins ceux qui n'avaient pas écouté l'appel de Noé et qui l'avaient accusé disant:
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Il y a donc un double aspect sous lequel on peut regarder Muhammad: on peut le regarder comme un prophète et comme un réformateur. A mon avis, tout son grand mérite c'est celui d'avoir été un réformateur. Son appartenance à la catégorie des prophètes n'a été que pour renforcer son rôle de réformateur. Et à mon avis encore, une telle considération attribue le mérite à Muhammad et non à Gabriel dont on prétend qu'il a dérobé le Coran de "la Table divine" conservée depuis l'éternité au fin fond du ciel; c'est seulement en cela que Gabriel est utile.
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En somme: L'attitude des chrétiens vis-à-vis des musulmans doit n'être qu'une attitude d'amour, de respect et d'ouverture. Ceci leur est dû, non seulement pour leur qualité d'êtres humains, mais aussi pour la portée profonde du message de l'Incarnation qui fut en faveur de l'homme, de tout homme.
L'attitude des chrétiens vis-à-vis de l'Islam coranique est favorable et positive; car, l'Islam et la "Nasranya" constituent un seul patrimoine commun. Leur attitude vis-à-vis de l'Islam, après le Coran, est une attitude de refus, à cause du sens d'indépendance, d'antagonisme et de "guerre" pris par l'Islam au moment de la fondation de l'Etat islamique à Yathreb et de l'époque des conquêtes.
L'attitude des Chrétiens vis-à-vis du Coran est positive pour ce qui est dit dans le Coran mécquois et c'est lui qui est "l'origine". Car il enseigne ce qu'enseigne la "Nasranya" existant alors dans la Presqu'île arabique; et une attitude de refus pour le Coran médinois qui a "supplanté l'original", et qui a donné une chary'a à une société dont les musulmans disent qu'elle demeure vivante en eux jusqu'à maintenant. Dire que la chary'a demeure éternellement est certainement une injure à l'amour de Dieu pour l'homme.
Enfin l'attitude des Chrétiens vis-à-vis de Muhammad est double: une attitude qui reconnaît en lui le réformateur d'un milieu commerçant pourri; et une attitude qui le reconnaît pour un homme ordinaire, que ses amis ont inscrit sur la liste des prophètes, rien que pour faire perdurer son enseignement. Que Muhammad soit considéré prophète, ça n'a rien ajouté à sa gloire; seulement cela a compliqué l'Histoire.
Joseph AZZI
Liban - 2000
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- Math 4/45.